Le consommateur - ou “ menage “ - est l'unite de base du modele. Ce qui le meut, ce n'est pas, bien entendu, la force electrique ou la gravitation, mais le plaisir, appele “ utilite “ par les economistes. Toutefois, comme le plaisir ne peut etre mesure, ni compare d'un individu a un autre, l'image actuellement retenue est plutot celle de difference de potentiel (au sens “ electrique “) : de la meme facon que les particules se deplacent en fonction de la difference de potentiel entre deux points, les individus cherchent a aller de “ moins de plaisir “ vers “plus de plaisir”. Sur la base de cette image, il est suppose que les consommateurs classent toutes les alternatives envisageables - qui prennent la forme de “ paniers de biens “, tel le celebre “ panier de la menagere “ - selon le “ potentiel de plaisir “ de chaque terme de l'alternative. Pour l'effectuer, il suffit de connaitre le signe de la difference de potentiel entre les poles ; ainsi, si ce signe est positif lorsque l'on compare le panier A au panier B, cela signifie que A est prefere a B. Si l'on considere, pour simplifier, que les paniers ne comportent que deux types de biens - par exemple, des pommes et du lait -, on peut alors representer graphiquement les gouts d'un consommateur (hypothetique). Pour cela, il suffit de tracer un systeme d'axes, avec la quantite de pommes (en kilos) en abscisse et la quantite de lait (en litres) en ordonnee. Chaque panier de biens est alors represente par un point dans ce systeme d'axes. Ainsi, dans la figure 1, le panier A est forme de 3 kilos de pommes et de 1,5 litre de lait, le panier B de 2 kilos de pommes et de 2 litres de lait, le panier C de 4 kilos de pommes et de 1,5 litre de lait, etc. De la meme facon que dans les cartes geographiques representant des zones montagneuses on relie entre eux - par des lignes de niveau - les points ou l'altitude est la meme, on relie ici les points (paniers de biens) representant le meme potentiel de plaisir ; les courbes obtenues sont appelees “ courbes d'indifference “ (et l'ensemble quel- les forment, la “carte d'indifference”). Ainsi, dans la figure 1, comme A et B sont sur la meme courbe, cela signifie qu'il est indifferent pour notre consommateur d'etre en A (consommer 3 kilos de pommes et 1,5 litre de lait) ou en B (2 kilos de pommes, 2 litres de lait), le potentiel de plaisir etant le meme en ces deux points. En revanche, il est superieur en C (plus de pommes qu'en A, et autant de lait), ce qui explique que C se trouve sur une courbe plus “ haute “ que celle passant par A et B.

Dans la theorie traditionnelle du consommateur, on suppose generalement qu'il y a non-saturation (chacun veut “ toujours plus “), ce qui revient a exclure, dans la figure /, les points tels que D (puisque C lui est prefere, alors que D comporte le double de pommes que C, et autant de lait), et donc a considerer un reseau de courbes tel celui de la figure l*.

Evidemment, la forme de la “ montagne des plaisirs “ varie d'un consommateur a l'autre (elle depend de sa “ relation de preference “, c'est-a-dire de ses gouts) ; toutefois, si l'on veut la specifier, on se heurte a nouveau au probleme de la mesure. Probleme in- soluble : meme l'economiste le plus convaincu de la validite de sa theorie ne tente pas d'etablir sa propre carte d'indifference ! En fait, il se contente generalement de supposer qu'elle a une forme simple et des proprietes facilitant les demonstrations mathematiques, quitte a avancer quelques justifications d'ordre “ psychologique “ ; par exemple, comme nous l'avons vu lors de la construction de la figure 1, en supposant la non-saturation des besoins.

“L’Economie devoilee Du budget familial aux contraintes planetaires”

Разоблаченная экономика от семейного бюджета до всемирных проблем